Homélie de Mgr Hubert HERBRETAU pour la fête de sainte Claire au monastère Notre Dame
du Sacré Coeur (Clarisses) à Nérac, le mardi 11 août 2015
Ct 2, 10-14 ; Ps 44 ; 2 Co 4, 6-10. 16-18 ; Jn 15, 4-10.
Chers amis, frères et soeurs, chères soeurs Clarisses,
Un texte sera beaucoup commenté dans les semaines et les mois qui viennent. C’est sans aucun doute
l’encyclique du pape François Laudato si’, sur l’écologie et l’économie mondiale.
L’intérêt de cette lettre n’est pas lié seulement au grand rassemblement qui doit avoir lieu à Paris sur le
changement climatique en décembre prochain. C’est tout simplement parce que l’avenir de notre « maison
commune », la planète, est gravement menacé. Il y a donc urgence à réfléchir et à agir, sans catastrophisme
mais aussi sans naïveté.
En cette fête de sainte Claire, permettez-moi de faire quelques commentaires au sujet de cette encyclique qui,
comme vous le savez, fait référence à saint François d’Assise et à son Cantique des créatures.
Je retiens tout particulièrement cette affirmation : nous devons nous interroger, dit le pape, à nouveaux frais
sur notre relation à la nature, sur la place de l’homme dans la Création. Ce qui a pour conséquence une
véritable écologie intégrale favorisant le silence, la paix intérieure, la contemplation de la beauté.
« Saint François, fidèle à l’Écriture, nous propose de reconnaître la nature comme un splendide livre dans lequel
Dieu nous parle et nous révèle quelque chose de sa beauté et de sa bonté (…). C’est pourquoi il demandait
qu’au couvent on laisse toujours une partie du jardin sans la cultiver, pour qu’y croissent les herbes sauvages,
de sorte que ceux qui les admirent puissent éléver leur pensée vers Dieu, auteur de tant de beauté » (n° 12).
Je voudrais souligner deux points : la communion universelle et la paix intérieure.
Une communion universelle
Claire et François, dans la pauvreté et l’austérité, la sobriété et la vie simple, sont des exemples à imiter
aujourd’hui. Ils nous invitent à vivre cette écologie intégrale demandée avec tant insistance par le pape.
Il faut dire que les magnifiques paysages de leur Ombrie natale ont facilité leur contemplation de la création.
Dans une attitude de respect, d’admiration, de louange pour la nature environnante, s’est construite l’amitié
entre François et Claire. Une amitié qui témoigne de ce désir de vivre une communion universelle. Une
communion en particulier avec les pauvres et les plus vulnérables, comme les lépreux.
Cela rejoint les propos du pape François : « Le sentiment d’union intime avec les autres êtres de la nature ne
peut pas être réel si en même temps il n’y a pas dans le coeur de la tendresse, de la compassion et de la
préoccupation pour les autres êtres humains (…). Ce n’est pas un hasard, si dans l’hymne à la création où saint
François loue Dieu pour ses créatures, il ajoute ceci : “Loué sois-tu, mon Seigneur, pour ceux qui pardonnent
par amour pour toi.” Tout est lié. Il faut donc une préoccupationpour l’environnement unie à un amour sincère
envers les êtres humains, et à un engagement constant pour les problèmes de société » (n° 91).
De plus il n’est pas étonnant que Claire dans ses écrits utilise une image nuptiale pour parler de son lien intime
avec le Christ. Le texte du Cantique des cantiques, avec ses images bucoliques, convient parfaitement à la
fête de sainte Claire : « Viens ma toute belle. (…) Dans la campagne, les fleurs apparaissent. Le temps des
chansons arrive. Le roucoulement de la tourterelle se fait entendre dans nos campagnes. »
Claire d’Assise a trouvé en saint François un véritable ami, un frère attentif et plein de tendresse. François
écrit : « Il est beau de pouvoir aimer sur terre comme on aime au ciel, et d’apprendre à s’aimer en ce monde
comme nous le ferons éternellement dans l’autre. » À nous aujourd’hui le Christ dit : « Demeurez dans mon
amour. Si vous êtes fidèles à mes commandements, vous demeurerez dans mon amour. »
La paix intérieure
Un mot à présent sur la paix intérieure demandée par une écologie intégrale.
Dans la voiture, j’écoutais l’autre jour France Inter. L’invité, le chanteur Alain Souchon, faisait part de son
expérience de la méditation, du silence, du repos, à partir de trois situations. D’une manière générale, on se
tait devant un feu qui crépite dans la cheminée, devant la mer et devant la neige qui tombe.
Le feu rappelle l’épisode de l’Exode : Moïse, les pieds nus, entend Dieu lui parler dans un feu qui ne se
consume pas.
La mer, avec son flux et son reflux, rappelle des psaumes : « Plus que la voix des eaux innombrables, plus
superbe que le ressac de la mer, superbe est le Seigneur » (Ps 93, 4). « Que tes oeuvres sont nombreuses,
Seigneur ! Toutes avec sagesse tu les fis, la terre est remplie de ta richesse. Voici la grande mer aux vastes
bras et là le remuement sans nombre des animaux petits et grands » (Ps 104, 24-25).
La neige est aussi très présente dans la Bible. Elle est un des "trésors" de la création de Dieu, une source
d'émerveillement (Job. 38. 22 ; Ps. 147. 16).
Avec la nature se noue parfois un silencieux dialogue. Saint Bernard ne disait-il pas : « On apprend beaucoup
plus de choses dans les bois que dans les livres. Les arbres et les rochers vous enseigneront des choses que
vous ne sauriez entendre ailleurs. »
Et redisons souvent la prière du pape François dans Laudato si : « Ô Dieu, un et Trine, communauté sublime
d’amour infini, apprends-nous à Te contempler dans la beauté de l’univers, où tout nous parle de Toi.
Éveille notre louange et notre gratitude pour chaque être que Tu as créé. Donne-nous la grâce de nous sentir
intimement unis à tout ce qui existe.
Dieu d’amour, montre-nous notre place dans ce monde comme instruments de ton affection pour tous les
êtres de cette Terre, parce qu’aucun n’est oublié de Toi (…).
Les pauvres et la Terre implorent : Seigneur, saisis-nous par ta puissance et ta lumière pour protéger toute
vie. »
Chers amis, la fête de sainte Claire nous invite à garder mémoire (un mot qu’elle utilise dans ses lettres à son
amie Agnès) des merveilles de Dieu en nos vies. Que cette eucharistie soit l’occasion d’exprimer notre
reconnaissance pour ses bienfaits et pour la beauté de sa création.
Amen !
Mgr Hubert HERBRETEAU
Monastère Notre Dame du Sacré Coeur à nérac, le mardi 11 août 2015