Prière de Dieu à son ami inquiet
Rends-toi, rends-toi enfin, dit Dieu.
Cesseras-tu de te tourmenter ?
Adhère.
Adhère à ma volonté.
Il est temps que tu me fasses confiance enfin.
Il est temps que tu ne croies plus du tout en toi-même.
Adhère.
Laisse ta foi frapper à la porte du ciel.
Laisse-moi t'entraîner jusqu'à moi.
Je te façonne et je me livre assez pour que tu ne désespères pas.
Laisse-moi faire.
Je les ferai tous monter, ceux que tu aimes.
Tu as semé. Tu as, vaille que vaille, porté ton témoignage.
Maintenant, repose-toi en moi.
Je veille.
Tu n'as pas si mal travaillé malgré tes faiblesses.
Laisse-moi faire. Laisse-les faire. Laisse-les se faire.
Laisse-moi les faire.
Je chemine en tous mystérieusement au plus profond.
Adhère.
Comme si rien n'était plus. Comme si, tout à l'heure,
j'allais tellement te saisir que tu laisserais tout là
tâche, soucis, corps, pour te laisser assumer par
la pleine lumière.
Adhère. C'est dans ton adhésion que tu fais le plus.
Avec moi, tu accomplis ce que je fais.
N'est-ce pas à moi de le satisfaire ?
Il me plaît de te conduire dans l'incohérence apparente,
dans la nuit et dans la mort progressive,
pour que tu adhères à la Lumière et à la Vie.
Je conduis tout.
Aie confiance en moi.
Je suis Lumière.
Je suis Vie.
Vieillir
(Tiré de la revue AH n°235 page 22)
Poème trouvé dans les affaires d'une dame âgée.
Vieillir, se l'avouer à soi-même et le dire
Tout haut, non pas pour voir protester ses amis
Mais pour y conformer ses goûts et s'interdire
Ce que la veille encore on se croyait permis.
Avec sincérité, dès que l'aube se lève,
Se bien persuader qu'on est plus vieux d'un jour,
À chaque cheveu blanc se séparer d'un rêve
Et lui dire tout bas un adieu sans retour.
Aux appétits grossiers infliger d'âpres jeûnes,
Et nourrir son esprit d'un solide savoir,
Devenir doux, devenir bon, aimer les jeunes
Comme on aima les fleurs, comme on aima l'espoir.
Se résigner à vivre un peu sur le Rivage,
Tandis qu'ils vogueront sur les flots hasardeux,
Craindre d'être importun sans devenir sauvage,
Se laisser oublier tout en vivant près d'eux.
Vaquer sans bruit aux soins que tout Départ réclame,
Prier et faire un peu de bien autour de soi,
Sans négliger son corps, parer surtout son âme,
Chauffant l'un aux tisons, l'autre à l'antique Foi.
Puis, un beau soir, discrètement souffler la flamme
De la lampe - et mourir parce que c'est la Loi.
Clémy