Homélie de Mgr HERBRETEAU pour l'entrée en Carême
à l’église Sainte-Marie à Miramont de Guyenne
Gn 2, 7-9 et 3, 1-7a ; Ps 50 ; Rm 5, 12-19 ; Mt 4, 1-11
Chers amis, frères et sœurs,
Depuis longtemps, nous avons donné au Carême une dimension pénitentielle. Pendant quarante jours, par nos actes de pénitences et de charité, nous nous préparons à célébrer la Passion, la mort et la Résurrection de Jésus.
Le pape François présente le Carême d’une autre manière. Le Carême, dit-il est « un voyage de retour vers Dieu ». Ce n'est pas une « collecte de bonnes actions, mais une période privilégiée pour discerner vers où est orienté notre cœur. Or nous le savons bien notre cœur est un cœur parfois fermé, rouillé, refroidi, anesthésié.
Je vous propose ce soir trois pistes de réflexion, en écho à la Parole de Dieu que nous venons d’entendre :
Le Carême est un moment favorable de conversion ; le Carême nous rappelle douloureusement le problème de la faim dans le monde ; enfin le Carême nous conduit à la question de la nourriture de la vie spirituelle.
Le Carême, moment favorable de conversion
Ces quarante-six jours sont un moment favorable pour chercher à savoir où mène la navigation de notre vie.
Vers Dieu ou vers nous ? Il faut donc revenir sur notre parcours de vie pour comprendre ce que nous cherchons. Pourquoi je marche dans cette direction ? Qu'est-ce que je cherche ? Nos choix et nos décisions de chaque jour révèlent notre rapport à Dieu, à nous-même et au monde. Nos orientations s'enracinent dans les profondeurs de notre être. C'est là que Dieu attend le croyant.
Encore faut-il rejoindre Dieu, rentrer en soi-même comme le fils prodigue. C'est en nous plongeant dans le livre de notre vie, en écoutant notre désir profond, en scrutant les mouvements intérieurs, que nous retrouverons les chemins de la vie.
Un premier conseil pour bien vivre le carême est de prier avec simplicité. La prière permet de s'adresser à Dieu avec familiarité, comme on parle à un ami. La prière fait entrer dans l'intimité avec le Seigneur, avec une spontanéité affectueuse. Notre prière peut être simple comme un sourire ou un bonjour. Le pape François affirme : « Quand je rencontre le Seigneur dans la prière, je deviens joyeux (...). La tristesse ou la peur, en revanche, sont des signes d'éloignement de Lui, Dieu. »
Le Carême est un moment favorable de conversion pour remettre le Christ au centre de notre vie, à travers le jeûne, la prière et les œuvres de charité. Des lectures spirituelles peuvent nous y aider. Mais aussi une participation à des célébrations communautaires de la réconciliation, à des eucharisties ferventes et vivantes.
Le problème de la faim dans le monde
Le récit des tentations de Jésus dans l’évangile de Matthieu nous conduit à regarder une seconde dimension du Carême.«Alors Jésus fut conduit au désert par l’Esprit pour être tenté par le diable.Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits,il eut faim»
La faim de Jésus nous rappelle le problème de la faim dans le monde. Le CCFD Terre solidaire est évidemment très attentif à ce problème. Et le temps de guerre que nous traversons, en Ukraine, en Afrique ou ailleurs, nous montre que toute guerre entraîne le manque d’eau et de nourriture et bien d’autres misères.
Récemment, le directeur du Programme alimentaire mondial, David Beasley, lançait un cri d’alarme : « Nous sommes face à la pire crise alimentaire et humanitaire depuis la Seconde Guerre mondiale ». La menace de famine concernerait aujourd’hui des centaines de millions de personnes. Yémen, Afghanistan, Éthiopie, Soudan et Somalie sont plongés dans la famine. Parmi les fléaux que connaît l'humanité dans son histoire, aucun n'est plus récurrent et croissant que la famine.
Plus d'un milliard de personnes aujourd'hui souffrent de la faim, plus de cinq millions d'enfant meurent de faim chaque année. Et même en France, selon le Comité national de lutte contre la précarité, sept millions de personnes ne mangent toujours pas à leur faim.La faim rappelle que l'humanité est responsable de ses propres besoins. Elle dit à la fois notre condition de vivant mortel et notre responsabilité envers les besoins de chacun. Elle est aussi ce qui atteint notre dignité élémentaire et peut défaire la sociabilité et la vie commune.
Se nourrir décemment est la condition d'une vie digne et sociale, et que l'on ne saurait célébrer la Création sans répondre à la faim d'autrui comme l'affirme le récit de la Genèse que nous avons entendu : « Le Seigneur Dieu planta un jardin en Éden, à l’orient, et y plaça l’homme qu’il avait modelé. Le Seigneur fit pousser du sol toutes sortes d’arbres à l’aspect désirable et aux fruits savoureux.
Dieu nourrit les humains. Le fait de nourrir ceux qui ont faim partout dans le monde constitue un devoir incontournable, sinon la première des exigences.
De quoi avons-nous faim et soif aujourd’hui ?
Le Carême présente donc une dimension de conversion et en même temps une dimension de solidarité, condition pour une véritable fraternité.
Il faut ajouter une autre question essentielle : de quoi avons-nous faim et soif aujourd’hui ?
L'humanité ne vit pas que de pain, nous rappelle la Bible. Jésus, dans l’évangile, cite à ce sujet le Deutéronome.
Cela signifie que nous devons apporter une réponse sans condition aux besoins physiques de chacun mais que nous devons comprendre aussi que cela est un besoin spirituel. Ne pas y répondre c'est manquer à notre premier devoir humain et spirituel.
La question de la faim renvoie donc à notre propre vie spirituelle. Nous qui avons tout à notre disposition et qui nous plaignons de la baisse de notre pouvoir d’achat, nous sommes invités à vivre une ascèse dans certains domaines de nos vies en renonçant à la médisance, en utilisant nos téléphones portables avec mesure. Nous avons aussi à combattre les addictions diverses et variées, etc. Mais ce ne sont ni notre propre mérite ni nos exercices pénitentiels qui nous sauvent en premier lieu mais la pure et gratuite miséricorde du Père.
Chers amis, que ce temps de carême soit un temps de conversion, de sensibilisation au problème de la faim dans le monde, et un approfondissement de notre vie spirituelle !
Amen !
Mgr Hubert HERBRETEAU
Église Sainte-Marie à Miramont de Guyenne,
le samedi 25 février