Messe chrismale, à la cathédrale Saint-Caprais
le 4 avril 2023
Is 61, 1-3a.6a.8b-9 ; Ps 88 ; Ap 1, 5-8 ; Lc 4-16-21
Chers amis, chers frères prêtres, chers frères diacres,
Dans les terribles années de la Seconde Guerre mondiale, le pasteur Dietrich Bonhoeffer réfléchissait dans sa prison à l'essentiel de la vie chrétienne. En pleine tragédie de la guerre, dans la nuit de son temps, il disait avec beaucoup de lucidité : « Notre existence chrétienne aujourd'hui ne consistera qu'en deux attitudes : prier et pratiquer ce qui est juste parmi les humains. Tout ce que nous pensons, discutons et organisons dans la pratique du christianisme doit renaître de cette prière et de cette action » (dans Résistance et Soumission, Labor et fides, p. 353).
Chers frères prêtres, en cette période mouvementée de notre monde, la prière et l’action pour la justice sont au cœur de votre ministère sacerdotal.
Je voudrais prendre appui sur cette sorte de devise de Bonhoeffer pour développer trois aspects de notre vie sacerdotale : la prière comme lieu de ressourcement ; la marche avec les hommes et les femmes de ce temps ; l’élargissement de nos amitiés.
Chercher un ressourcement dans la prière
La prière tout d’abord. Aujourd'hui, il y a beaucoup de raisons de ressentir une profonde anxiété, qui marque notre vision du monde, qui change notre regard sur ceux que nous côtoyons. Notre prière elle-même s’en trouve modifiée.
Il peut même nous arriver certains jours, chers frères prêtres, de nous interroger sur Dieu et sa présence dans le monde. Nous sommes en effet profondément touchés par des rencontres d’hommes et des femmes qui cèdent au fatalisme, à la peur ou à la désespérance. Comment garder confiance et espérance ?
L'Évangile nous donne une orientation en nous montrant le Christ Jésus. « Tous dans la synagogue avaient les yeux fixés sur lui » (Lc 4, 20).
Oui, gardons les yeux fixés sur lui ! Au long de sa vie, Jésus a connu la joie, mais aussi l'inquiétude. Il a été admiré mais aussi contesté. Il a subi une hostilité grandissante jusqu'à la violence extrême de la croix. La mort n'a pourtant pas eu le dernier mot, car Dieu l'a ressuscité et il est vivant pour toujours. Ses premiers témoins nous invitent à faire confiance à ce message. Mettons-nous donc, ce soir encore, devant le Christ !
Accueillons cette lumière intérieure, cette confiance qui s'appelle la foi. Ouvrons un espace d'écoute et de communion avec Dieu. Jésus y invite : « Quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme la porte, et prie ton Père qui est là, dans cet endroit secret » (Mt 6, 6).
Cet appel du Christ va à l'encontre de ce que nous vivons parfois dans nos sociétés, dans nos paroisses et nos familles. Dans un contexte où le bruit l'emporte sur le silence, la prière est alors encore plus essentielle : elle est une source d'espérance, un chemin d'apaisement. Elle nous aide à garder ouvertes les portes du dialogue, même avec ceux et celles qui s'opposent à nous ou qui viennent d'autres horizons que nous.
Cheminer ensemble avec les hommes et les femmes de ce temps
À la prière personnelle s'ajoute un autre appel, celui de cheminer avec les hommes et les femmes de ce temps en vue de la fraternité universelle.
En ce sens, la mission du Christ, à la synagogue de Capharnaüm est bien définie : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leurs libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur » (Lc 4). Vaste et exigeant programme !
Pour être porteurs de l’Évangile du Christ à tous, cessons d'entretenir des divisions entre nous, refusons d’être sur des rails qui ne se rencontrent jamais. Renforcer l’unité dans nos communautés, n’a pas pour objectif d’être plus forts face à un monde qui nous serait hostile, mais de libérer la dynamique de l'Évangile, l’élan missionnaire, la réalisation d’une paix véritable. « Je vous donne ma paix, dit Jésus, je ne vous la donne pas comme le monde la donne » (Jn 14, 27).
Il est nécessaire aussi de changer notre regard sur l'Église. Elle n’est pas seulement un ensemble de structures à faire fonctionner, un bureau administratif, une association à « faire tourner ». Considérons-la plutôt comme la grande famille de ceux et celles qui choisissent d'aimer à la suite du Christ,
Chers frères prêtres cheminons avec patience, douceur et bienveillance avec ceux qui ne partagent pas nos idées, qui ont une autre manière de voir l’évolution de la société. Cheminons ensemble pour qu’advienne la vie en plénitude avec Dieu, le Royaume de Dieu !
Élargir nos amitiés
Pour contribuer à la fraternité universelle écoutons l'Esprit Saint. L’Esprit Saint qui reposait sur Jésus, l’Esprit Saint qui habite nos cœurs depuis notre baptême, notre confirmation, notre ordination. À quoi nous appelle-t-il ? À élargir nos amitiés.
Il s’agit tout d'abord de chercher la part de vérité que possèdent ceux et celles que nous rencontrons chaque jour !
L’Esprit Saint vous appelle ensuite à vivre une amitié authentique avec vos collaborateurs les plus proches, en Équipe d’Animation Pastorale (EAP). La démarche synodale demandée par le pape François doit nous interroger sur la manière de conduire notre diocèse, nos paroisses, avec des laïcs responsables, avec nos frères diacres. Nous devons refuser l’autoritarisme et nous mettre humblement au service de tous.
Avec d’autres croyants et des non croyants, il est urgent de nous souvenir de la responsabilité confiée par Dieu à l'humanité. Nous pouvons simplifier nos modes de vie et développer un sens de l'émerveillement devant à beauté de la création.
Enfin dans le contexte de la guerre en Ukraine et dans beaucoup d'autres lieux du monde, la prière pour la paix est essentielle. Il ne s'agit pas de demander une paix facile, mais bien la paix vraie et exigeante, qui va de pair avec la justice et la vérité.
Chers frères prêtres, chers frères diacres, au cours de la messe chrismale, nous nous engageons à « prier et pratiquer ce qui est juste », à aimer et à servir, comme le Christ serviteur, les fidèles qui nous sont confiés. Que cette eucharistie renouvelle notre vie de disciples du Christ !
Jeudi Saint, à la cathédrale, 6 avril 2023
Ex 12, 1-8.11-14 ; Ps 115 ; 1 Co 11, 23-26 ; Jn 13, 1-15
Chers amis, frères et sœurs,
Après une journée bien remplie, nous sommes rassemblés dans cette cathédrale comme une famille se réunit dans l’intimité du soir. L’Église entre au cénacle, pour se blottir autour de son Seigneur, et recevoir à nouveau de lui son Testament. Chers amis, entrons, nous aussi au cénacle !
Un mot résonne pourtant étrangement au cours du Jeudi Saint, c’est le mot « livrer ». « Livrer » fait penser à la livraison d’une marchandise que l’on vend ou que l’on achète. C’est bien ce qui arrive avec Judas alors que le diable a mis dans son cœur l’intention de livrer Jésus.
Livrer, c’est pour Jésus, offrir sa vie. « La nuit où il fut livré le Seigneur prit du pain… » relate saint Paul dans la Première lettre aux Corinthiens.
C’est une invitation à nous saisir de cette présence du Christ. Le don de Dieu est là, à portée de notre main. Avons-nous perçu la force de ce verbe « livrer » ? Jésus se donne concrètement sous les espèces du pain et du vin.
Le Christ vit et agit par la foi et les sacrements de la foi. Le plus grand de tous, le couronnement de toute vie chrétienne sur terre, est le sacrement de l’Eucharistie.
Pourquoi le dernier repas de Jésus est-il important ?
Il est important pour Jésus et pour nous.
Important pour Jésus. C’est au cours de ce dernier repas avec ses disciples (ses intimes) que Jésus offre sa vie par fidélité à sa mission, donc à Dieu son Père et aux hommes dont il est solidaire. Moment important que les évangiles de Marc, Matthieu et Luc et saint Paul dans la Première lettre aux Corinthiens, ont relaté. Jésus annonce ce qui va se passer le lendemain : l’ombre de la croix se projette sur le Jeudi Saint. Ce dernier repas est donc important parce qu’il résume toute la mission de Jésus, son message, sa Passion et sa mort.
Important pour nous. Au cours de ce dernier repas Jésus institue l’eucharistie. Celle-ci est l’actualisation de ce qui s’est passé le Jeudi Saint. De même que Jésus offre sa vie, nous devons nous aussi offrir notre vie.
C’est aussi pour cela que, le Jeudi Saint, la liturgie relie cette institution au geste de lavement des pieds (dans l’évangile de Jean). Un geste symbolique du Christ qui donne sens à sa vie et à sa mort. « Le Fils de l’homme est venu pour servir et donner sa vie pour la multitude. »
Le dernier repas de Jésus et l’eucharistie
Participer à l’eucharistie, c’est donc inscrire dans nos vies la notion de service, à l’image du Christ serviteur qui lave les pieds de ses disciples. L’eucharistie nous donne la force d’aller là où le Christ nous envoie, au service de nos frères. Il ne faut pas chercher des gestes spectaculaires. En effet comptent beaucoup parfois, un geste d’amitié, d’entraide, un sourire, une attitude de compassion, d’écoute. La vie chrétienne doit toujours se référer à ce dernier repas. C’est pour cela que nous disons que l’eucharistie est source et sommet de notre foi.
Sommet, quand sous les signes du pain et du vin, nous avons part à la Vie même du Christ ressuscité. L’eucharistie actualise en effet non seulement le dernier repas de Jésus, mais aussi Pâques. Les chrétiens s’associent au Christ, à son offrande, à sa mort et à sa résurrection.
Source où, telle une plante qui a besoin d’eau pour vivre, notre foi vient s’abreuver pour ne pas s’étioler. Source qui donne force de repartir.
La nature même de l'Église est eucharistique
L'Église est le Corps du Christ. L'eucharistie est aussi le corps du Christ. C'est pour cela que sans l'Eucharistie il n'y a pas de vie ecclésiale, Il n'y a pas, et il ne peut y avoir d'expérience et d'appartenance vitale dans l'Église. De même l'eucharistie est impensable en dehors de l'Église.
Il n'est pas possible de limiter le concept d'Église à la seule définition classique : « L'Église est la communauté des fidèles, unis dans une même foi... » Être dans une paroisse et participer aux activités paroissiales ne suffit pas pour vivre en Église. Il est impossible de seulement être compté parmi les membres de l'Église, il faut vivre en elle, c'est-à-dire par elle. Il s’agit de concrètement participer à la vie de l'Église, à la vie du corps mystique du Christ. Prenons conscience que nous sommes une partie vivante de ce Corps, et que nous communions à ce Corps.
Notre façon de voir le monde doit être eucharistique et nous devons vivre dans un état eucharistique. L'Église, dans sa liturgie, rend grâce à Dieu « pour tous les bienfaits, connus ou ignorés, qui sont répandus sur nous », « pour tous et en tout ».
Le prêtre et avec lui toute la communauté rassemblée et tout fidèle concentrent toute leur vie de prière dans l’eucharistie. Le prêtre, dit Ambroise de Milan, « apporte au Seigneur l'affliction des hommes, les soupirs des prisonniers, les souffrances des miséreux, les besoins des voyageurs, l'affliction des impotents, les infirmités des vieillards, les pleurs des enfants, les serments des vierges, les prières des veuves et la fragilité des orphelins. »
Dans le Coupe eucharistique, toute peine et toute joie sont offertes. L'Eucharistie embrasse et sanctifie toute la vie du chrétien, son travail, ses actions et ses élans créateurs.
En ce Jeudi saint, comme le Christ, partout dans le monde les prêtres quitteront la chasuble et revêtiront le vêtement du serviteur, pour laver les pieds. Ils reprendront ensuite la chasuble signe du salut accompli une fois pour toutes. Ce vêtement liturgique oriente les attentes des fidèles et les ouvre à l’espérance vivifiée de la mémoire du Christ présent dans l’Eucharistie.
Chers amis, laissez-vous couvrir par le manteau de la miséricorde du Christ ! Que cette eucharistie vous ouvre aux plus démunis, aux plus vulnérables de notre société !
Veillée pascale, à la cathédrale Saint-Caprais
le 8 avril 2023
Chers amis, frères et sœurs,
Cette nuit nous recevons un droit fondamental, qui ne nous sera pas enlevé : le droit à l’espérance. C’est une espérance nouvelle, vivante, qui vient de Dieu. Ce n’est pas un simple optimisme, ce n’est pas une tape sur l’épaule ou un encouragement de circonstance. C’est un don du Ciel que nous ne pouvons pas nous procurer tout seuls.
« Tout ira bien », disons-nous avec ténacité en cette nuit très sainte. Nous nous agrippons à la beauté de notre humanité et nous faisons monter vers Dieu des paroles de remerciement, de gratitude et de confiance.
Pourtant, avec les jours qui passent et les peurs qui grandissent, même l’espérance la plus audacieuse peut s’évaporer.
Soyons convaincus cette nuit que l’espérance de Jésus est autre. Car elle introduit dans notre cœur la certitude que Dieu sait tout tourner en bien, parce que, du tombeau, il fait sortir la vie.
Une lumière au milieu de nous
Si nous veillons dans la nuit de Pâques, c'est parce qu'une discrète lumière brille déjà au milieu de nous, comme la « pointe de l'aurore » du Jour nouveau. Cette lumière du cierge pascal, qui symbolise la Résurrection du Christ, nous l'avons amenée progressivement dans la cathédrale, et elle s'est communiquée à chacun de nous, illuminant notre visage de sa clarté.
Et nous avons cette nuit la joie immense d’accueillir dans notre assemblée deux jeunes femmes qui vont être baptisées, confirmées, et qui vont communier au Corps et au Sang du Christ.
Mélissa et Madeline, le Christ ressuscité veut vous entraîner sur le chemin où il vous précède. Il vous a pris par la main, d’une manière particulière, en fonction de votre vie, de votre personnalité, de votre histoire, de vos attentes et de vos résistances. Pas à pas, il vous a conduits. Jésus vous précède dans votre vie, dans toute votre existence, il vous précède dans votre quartier, votre travail, votre famille…
En lisant et écoutant votre itinéraire, je pense à vos questions premières, initiales, là où la foi commence et recommence. Dans le contexte culturel et spirituel contemporain, la foi chrétienne se trouve dans un état généralisé de recommencement. Qui dit « recommencement » dit à la fois processus de mort et de renaissance. Notre époque vit un temps de germination avec tout ce que cela comporte de souffrances et de douleurs, de doutes, d'incertitudes mais aussi d'espérance pour ce qui naît.
C'est vrai aussi dans nos communautés lorsque nous cherchons à rendre compte de la foi à ceux qui nous en demandent raison. Chacun est ramené au lieu où la foi commence et recommence. Le grand défi de la foi dans un monde sécularisé se vit seul car en ce domaine les avancées ne peuvent être que singulières et personnelles. Mais aussi en groupe dans la confrontation, le dialogue et la solidarité avec autrui.
Tout commence par l’espérance
L'espérance, c'est ce qui anime les départs. Dans l'aventure chrétienne, tout commence par l'espérance. C'est par elle que la foi naît et renaît dans nos vies.
Melissa et Madeline, vous avez pris la décision d'aller de l'avant, d'assumer votre histoire avec ce qu'elle comporte d'expériences, de joies et de peines, de convictions et de doutes, il s'agit de croire et d'espérer avec une fraîcheur, une intelligence et une liberté nouvelles.
Vous avez le souci de comprendre. Comprendre tout d'abord votre propre histoire, la relire et éventuellement la réorienter.
Deux mots caractérisent votre démarche de catéchumènes : gravité et légèreté. Gravité car demander le baptême survient souvent à l'occasion d'événements importants : une épreuve, un déménagement, un changement dans vie professionnelle, une rencontre amoureuse, une naissance, etc. Autant d'événements qui touchent à votre identité personnelle profonde.
Gratuité donc mais aussi légèreté. Vous manifestez un grand calme dans votre recherche. Vous avancez sur les chemins nouveaux de la foi, avec détermination, sereinement, à votre rythme. Votre désir est d'accéder à une plus grande profondeur, à une plus grande vérité et qualité de vie. L'Évangile est lourd de sens et, à la fois, léger à porter.
Ce que nous apprennent les nouveaux baptisés
Chers amis, nous qui les entourons de notre prière, accueillons Mélissa et Madeline comme le signe de ce que nous devenons tous au plus intime de nous-mêmes. Nous devenons des personnes dont le parcours dans la foi n’est pas tracé à l'avance. Nous devenons des personnes qui connaissent des moments souvent imprévisibles, des moments de conversion.
Ces femmes adultes nous indiquent aussi, dans un contexte de sécularisation et de déchristianisation que la foi peut retrouver aujourd'hui une pertinence nouvelle. Leur expérience est de découvrir de manière neuve la puissance d'humanisation que recèle la foi chrétienne au niveau individuel et collectif.
L'Église apprend de Mélissa et Madeline, les baptisées de Pâques, l'humilité. Elles sont pour notre Église une surprise. Car l'adhésion à l'Évangile n'est jamais une conquête ou un résultat obtenu par la force. L'Évangile lui-même parle de semailles, de graine qui pousse sans que l'on sache comment.
Mélissa et Madeline, vous parlez en effet de votre découverte du Christ en termes de croissance ou de renaissance :
« Je souhaite, dit Mélissa, être baptisée d’une part pour être reconnue enfant de Dieu officiellement et d’autre part pour concrétiser la croissance de ma foi »
« C’est par les trois sacrements de l’initiation chrétienne, dit Madeline, que je vais devenir une chrétienne à part entière. Je vais renaître grâce au baptême. Je vais me nourrir de la Parole et de la vie de Jésus Christ au travers de la communion. »
Ces jeunes femmes nous apprennent qu'il n'est pas besoin d'une évangélisation tapageuse ou conquérante. L'attitude de l'Église est de se mettre au service de ces adultes baptisées en mettant à leur disposition les richesses de sa Tradition. L'Église se met au service de l'intelligence. L'Église se met au service de leur liberté et de ce qui les fait vivre.
Réjouissons-nous, en cette nuit pascale ! Christ est vivant, alléluia ! Amen !
Jour de Pâques, à la cathédrale, le 9 avril 2023
Ac 10, 34a.37-43 ; Ps 117 ; Col 3, 1-4 ; Jn 20, 1-9
Chers amis, frères et sœurs,
Ce que nous venons de vivre cette semaine, avec le Triduum pascal, ne peut pas être séparé de nos vies, si pesantes parfois. Cette semaine Sainte ne pouvait pas nous faire oublier l’actualité violente, ni aussi la précarité, les tensions sociales, les exclusions de toutes sortes.
Et ce matin, nous chantons Alléluia : « Notre Pâque immolée, c’est le Christ ! Célébrons la fête dans le Seigneur ! »
Cet itinéraire vécu par les chrétiens, en quelques jours, n’est pas une manière facile de se rassurer, de fuir les réalités du monde. C’est une conviction que nous avons et un témoignage que nous avons l’audace de montrer au monde. Nous sommes bien comme les premiers disciples à la fois abattus et pleins de dynamisme, peureux et audacieux, sans voix mais pourtant prêts à courir pour annoncer un message de joie.
Vous êtes ressuscités avec le Christ
« Vous êtes ressuscités avec le Christ » écrit saint Paul aux chrétiens de Colosses (Col 3, 1). Que veut dire ressusciter ? Pour en parler les évangiles ont recouru à des images : « être réveillé », « se lever », « être relevé ».
Ce que l'on sait de source évangélique, c'est ceci : le lendemain de Pâque, le tombeau de Jésus était vide mais ouvert. Tout commence là. Nous faisons confiance aux récits des premiers témoins.
À l'événement, silencieux et qui échappe à jamais, a succédé une rumeur : « On dit qu'il est vivant. Certains disent qu'ils l'ont vu ». L'Évangile évoque quelques rencontres : celle de Marie-Madeleine, des apôtres, des disciples d'Emmaüs. La résurrection suppose la foi. On y croit. Mais que croit-on ?
La résurrection nous éloigne de la fascination de la mort et du découragement au quotidien. La mort reste une réalité horrible, injustifiable, insensée. La mort ne devrait pas exister. Que dire d'autre à une mère qui vient de voir mourir son enfant ?
Se laisser fasciner par la mort ? Beaucoup y succombent. Puisque la vie ne sert à rien, autant en finir tout de suite. Cette fascination peut prendre plusieurs visages. La forme la plus sournoise est le découragement. Nous connaissons trop bien l'affreuse tristesse qui peut nous étreindre certains jours. Les formes de découragement les plus immédiatement choquantes sont celles que peut engendrer un accident ou un mauvais coup du sort : un cancer qui récidive, une recherche d'emploi qui n'en finit pas d'aboutir, un éclatement familial.
Les occasions de baisser les bras et de se laisser aller, sont quotidiennes. Vivre en ressuscité, c'est d'abord ne pas prendre son parti du découragement.
Nous pressentons alors ce que ressusciter peut signifier : s'arracher à tout ce qui nous laissait comme morts, voulait notre mort. C'est se relever, c’est souvent avoir été relevé par un autre descendu à notre rencontre, non pas seulement retrouver vie, mais vivre de façon nouvelle, plus vivante encore, instruit par le feu de l'épreuve.
La lumière du Ressuscité
Le Christ sorti du tombeau passe dans nos vies et c’est une explosion de beauté et de renouveau comme la beauté de la nature et le renouveau du printemps.
Par sa résurrection, le Christ nous fait entrer dans un amour qui n’est plus contrecarré par la haine, dans une vie qui n’est plus dominée par la mort.
Certes nos vies sont parfois abattues, fatiguées, malades, affaiblies. C’est ce qui fait la trame de nos existences quotidiennes. Pourtant la joie de Pâques brûle en nous comme celle des disciples d’Emmaüs qui s’émerveillent au terme de leur compagnonnage avec le Christ : « Notre cœur n’était-il pas tout brûlant tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures » (Lc 24, 32).
Quant à la mort, la nôtre et celle de ceux que nous aimons, nous croyons qu’elle est aussi un passage, un chemin de résurrection, une trouée vers la lumière. Certes, il est douloureux d’envisager cette mort, mais au matin de Pâques, tournons-nous vers la lumière du Christ et méditons longuement la parole de Paul aux Colossiens : « Vous êtes passés par la mort, et votre vie reste cachée avec le Christ en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui dans la gloire » (Col 3, 4).
Rayonnons la joie !
Pour Marie-Madeleine, pour Pierre et Jean, la tristesse est grande devant le tombeau vide. Les évangiles nous disent que progressivement la tristesse va se transformer en joie. Celui qui était mort, ils le reconnaissaient vivant, ressuscité. Et un grand changement s’est produit pour eux. Désormais, il leur fallait rayonner la joie de Pâques.
Il en est pour nous ainsi aujourd’hui. Le Ressuscité nous rend capables de vraie bonté. Puissent la chaleur, la communion de Pâques rayonner dans l’Église et dans le monde. Autour de nous des gens ont besoin de tendresse, d’un sourire. Certains souffrent de solitude et crient leur désespoir. Le Ressuscité nous invite à rayonner notre joie et à l’exprimer avec des gestes simples et des paroles réconfortantes. Ou tout simplement avec une présence chaleureuse et amicale.
La société a besoin d’hommes et de femmes qui ne se découragent pas et qui donnent aux autres confiance et espérance. Où puiser la force, le dynamisme, l’élan ? Dans la Résurrection de Jésus.
Que cette eucharistie nous donne de vivre et de faire vivre la résurrection autour de nous !