Source : Aleteia - Gelsomino Del Guercio -publié le 04/04/23
La Bible relate plusieurs scènes où il est question de parfums et de baumes. De sa naissance à sa mort, le Christ est "parfumé", notamment durant les jours qui précèdent sa mort.
Le parfum annonce la présence de quelqu’un avant même qu’il ne soit là. Et sa trace reste même lorsque la personne est partie. Les parfums assurent ainsi une forme de persistance liée au corps, mais différente du corps, comme un « corps étendu ».
La vie de Jésus est comme encadrée de parfums. À sa naissance, les rois mages venus d’Orient lui offrent de l’or, mais aussi de l’encens et de la myrrhe. À sa mort, les femmes préparent des onguents pour embaumer son corps le matin de Pâques.
Chaque évangéliste évoque au moins une scène où il est question de parfum. Tout se passe comme si les arômes, les huiles et les parfums tissaient un réseau dont Jésus est le centre, véhiculant ainsi ce que la tradition populaire a appelé « la bonne odeur des saints » – qui n’est autre que le « parfum du Christ » de la Deuxième Lettre aux Corinthiens (2,14-16).
Si les parfums encadrent la vie du Christ de sa naissance à sa résurrection, cela est encore plus vrai pendant la Semaine sainte. Le mystère pascal se déroule dans une atmosphère parfumée, du vendredi saint au matin de la résurrection. Le grand silence du samedi saint est comme un coffre qui conserve cet arôme.
(Nard : (Marc 14.3 ; Jean 12.3) - Ce parfum (liquide de couleur ambrée, d'odeur épicée, douce et très légèrement anisée) était regardé comme le plus précieux et le plus fin de tous ; il était par conséquent aussi un objet de luxe fort recherché des grands, et souvent offert comme témoignage de respect et d’honneur.) - « Prenant une livre d’un parfum de Nard pur, de grand prix, Marie oignit les pieds de Jésus et les essuya avec ses cheveux ; et la maison s’emplit de la senteur du parfum » (Jean, XII:3).
Six jours avant Pâques, saint Jean évoque Marie, la sœur de Lazare, qui verse du parfum sur les pieds de Jésus, à Béthanie :
« Marie avait pris une livre d’un parfum très pur et de très grande valeur ; elle versa le parfum sur les pieds de Jésus, qu’elle essuya avec ses cheveux ; la maison fut remplie de l’odeur du parfum. » (Jn 12, 3)
Lorsque Marie verse du parfum de nard sur les pieds de Jésus, Judas, qui est présent, évalue ce parfum à 300 deniers (le denier était le salaire d’une journée). Lorsque ce dernier livre et vend Jésus, il n’obtient pas plus de 30 pièces d’argent, qui est le prix fixé par la loi pour la vie d’un esclave. Le parfum de Marie est bien au-dessus du marché, il dépasse toute valeur. Il signifie toute sa gratitude envers celui qui l’a reconnue pour ce qu’elle est : une femme qui aime son Seigneur.
Jésus l’invite à observer cet usage « pour son ensevelissement » (Jn 12, 7). Comme si, de son vivant, Jésus avait anticipé le geste d’offrande qu’il fera plus tard sur la croix. Marie, qui se donne à lui en lui offrant ce parfum, a compris le cœur même de la promesse de Jésus : la vie est un don et elle devient vivante dans le don d’elle-même. Marie a anticipé par son geste celui de son Seigneur et Maître.
Puis deux jours avant la fête de Pâques, saint Marc relate la rencontre entre Jésus et une femme, à Béthanie :
« Jésus se trouvait à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux. Pendant qu’il était à table, une femme entra, avec un flacon d’albâtre contenant un parfum très pur et de grande valeur. Brisant le flacon, elle lui versa le parfum sur la tête. » (Mc 14, 3)
Béthanie, qui signifie « maison d’Ananias » ; Ananias, à son tour, signifie « Dieu donne la grâce ». Nous sommes transportés dans une maison qui garde la grâce, don de Dieu. Marc ajoute une précision : la femme qui s’approche de Jésus brise le vase de nard qu’elle lui offre, comme si elle annonçait ainsi le corps de son Seigneur, brisé pour toujours. Il n’y aura plus de flacon. De la même manière, un seul corps est offert, celui du Christ.
Dans l’Évangile de Jean, c’est à partir du Vendredi saint que le corps de Jésus est enveloppé de linge parfumé, grâce à Joseph d’Arimathie et à Nicodème :
« Nicodème – celui qui, au début, était venu trouver Jésus pendant la nuit – vint lui aussi ; il apportait un mélange de myrrhe et d’aloès pesant environ cent livres. Ils prirent donc le corps de Jésus, qu’ils lièrent de linges, en employant les aromates selon la coutume juive d’ensevelir les morts ». (Jn 19, 40)
Des femmes, qui étaient venues avec Jésus de Galilée, suivent Joseph ; elles ont observé le sépulcre et s’en vont préparer des arômes et des huiles parfumées. Le samedi, elles observent le repos prescrit.
« Le premier jour de la semaine, à la pointe de l’aurore, les femmes se rendirent au tombeau, portant les aromates qu’elles avaient préparés. » (Lc 24,1).
Les femmes sont là, angoissées par la douleur, et leur maison est envahie par les parfums qu’elles ont préparés pour leur Seigneur. Elles ne savent pas que cette bonne odeur anticipe la résurrection de leur Maître et sa victoire sur la mort. Marqué par ces arômes, le samedi exhale toutes les senteurs de la création, c’est une sorte de repos parfumé, dans lequel les plus fatigués peuvent enfin fermer les yeux.