Agnès Pinard Legry/avec I.Media - 02 octobre 2020 - Aleteia
À Assise, le pape François signe ce
samedi 3 octobre 2020 sa troisième
encyclique, « Fratelli tutti »
Le pape François se rend à Assise (Italie) ce samedi 3 octobre afin de signer sa troisième encyclique « Fratelli tutti ». Un texte très attendu.
Ce samedi 3 octobre 2020, le pape François se rend à Assise afin de signer la troisième encyclique de son pontificat, Fratelli tutti (Tous frères, en italien) qui porte sur la « fraternité humaine » et « l’amitié sociale ». Ce document devrait être un développement du Document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune, un texte signé le 4 février 2019 à Abou Dabi (Émirats arabes unis) avec le grand imam de l’université d’Al-Azhar Ahmad Al-Tayyeb.
Assise est un lieu hautement symbolique à plus d’un titre. Le pape François – le premier à choisir le nom du Poverello – s’est déjà rendu deux fois à Assise. Il était déjà venu à l’occasion de la fête de saint François le 4 octobre 2013. Il avait d’ailleurs expliqué le choix du nom de François : selon lui, le saint a été « un homme qui s’est dépouillé et a revêtu du Christ et, à l’exemple du Christ, a aimé tout le monde, en particulier les plus pauvres et les plus abandonnés, a aimé la Création de Dieu avec émerveillement et simplicité ».
Le 20 septembre 2016, le 266e pape est retourné à Assise pour participer, dans la continuité de ses deux prédécesseurs, à une Journée de prière pour la paix, confirmant que la petite ville d’Ombrie est, pour les récents pontife, la “capitale de la paix”. Proximité avec les plus pauvres, protection de la Création ou encore dialogue interreligieux… Le pontificat du pape François semble entièrement calqué sur la vie et les principes du petit pauvre d’Assise. À l’occasion de cette troisième encyclique – dont le titre est pour la deuxième fois tiré d’une citation du saint ombrien (Admonitions de François d’Assise (6, 1: FF 155)) – nul doute qu’un nouveau volet de la spiritualité franciscaine du pape va être dévoilé
Les encycliques du pape François
Publiée en juillet 2013, quatre mois après l’élection du pape François, Lumen fidei, encyclique sur la foi, a été rédigée en grande partie par son prédécesseur, le pape Benoît XVI. Trois ans plus tard, le pontife argentin rédige une encyclique sur l’écologie intégrale. Dans le sillage de Jean XXIII qui avait adressé Pacem in Terris aux fidèles et aux hommes de bonne volonté, le pape François lance une « invitation urgente » à la sauvegarde de la Maison commune « à chaque personne qui habite cette planète ». Le fait de consacrer une encyclique à l’écologie dit combien le successeur de Pierre accorde de l’importance à ce sujet.
Avec sa troisième encyclique Fratelli tutti, c’est la « fraternité », thème déjà longuement développé par le pape François, qui, par la force du statut de l’encyclique, est aujourd’hui mise à l’honneur.
La troisième encyclique du pape François sur la fraternité humaine, « Fratelli tutti », « pourrait largement contribuer à une refondation de l’économie », assure sœur Helen Alford, vice-recteur de l’Angelicum.
Fratelli tutti, la prochaine encyclique du pape François portera sur la « fraternité humaine » et l’« amitié sociale ». Sœur Helen Alford, religieuse dominicaine nommée membre de l’Académie pontificale des sciences sociales par le pape François le 4 septembre 2020, a rappelé qu’un lendemain de crise est le moment opportun pour repenser les structures du système économique et social actuel.
Quelle place y a-t-il pour ces valeurs dans une économie essentiellement régie par des relations contractuelles, par la « pursuit of happiness » individualiste, etc. ?
Sœur Helen Alford : Nous sommes à l’aube de grands changements. À première vue, le thème de la « fraternité humaine » ne semble pas être une priorité, en tout cas on pourrait penser qu’il s’agit d’un concept parmi d’autres et qui aura peu de conséquences. En vérité, nous savons que les idées font l’histoire. Le grand économiste John Maynard Keynes écrit quelque part, avec humour, que « le pouvoir des intérêts particuliers est largement exagéré par rapport à l’empiètement progressif des idées ».
" L’économie dans son modèle actuel ne satisfait pas le besoin profond de l’homme. "
J’aimerais insister surtout sur deux points. D’abord, en particulier après la crise financière de 2008, tout le monde s’est rendu compte que notre modèle était trop réducteur. Des études de l’économie comportementale, notamment des neurosciences, tendent à prouver que nous ne sommes pas exclusivement individualistes, centrés sur nos propres intérêts. En ce sens, bien qu’il y ait encore peu de changements dans les structures économiques, on peut espérer qu’il y en ait beaucoup à venir. On a chassé progressivement la vieille idée selon laquelle on produisait d’une part les richesses, et, d’autre part, on les distribuait dans l’éducation, la santé etc. L’économie dans son modèle actuel ne satisfait pas le besoin profond de l’homme. Nous avons maintenant compris que les inégalités et les désastres économiques naissaient dès la production des richesses.
D’autre part, on pourrait songer au grand slogan de la Révolution française : « liberté, égalité, fraternité ». Dans une optique historique, on constate que les partis libéraux qui sont nés de la Révolution se sont fondés sur la défense de la liberté, l’économie du « laissez-faire », de la propriété privée, etc. D’autres groupes politiques ont décidé de soutenir plus particulièrement l’égalité, mais toujours dans l’optique de la liberté humaine parce qu’ils veulent plus de distribution pour que les personnes soient plus libres. Voici les deux mouvements qui trouvent leurs racines dans la Révolution française. La troisième voie, celle de la fraternité, n’a pas été véritablement élaborée : sans doute est-ce l’occasion aujourd’hui de l’initier.
" Le besoin de collaborer se trouve dans nos gènes. En économie, la difficulté est de réconcilier ce besoin de collaboration avec la nécessité de la concurrence. "
Depuis la crise de 2008 émergent de nouvelles idées dans ce sens et qui poussent à réconcilier les gènes individualistes et le besoin de vivre en collectivité qui animent l’être humain. À propos de son célèbre ouvrage intitulé Selfish Gene, Richard Dawkins a confié dans la préface d’une nouvelle version qu’il aurait pu appeler l’ouvrage « The Cooperative Gene ». Le besoin de collaborer se trouve dans nos gènes. En économie, la difficulté est de réconcilier ce besoin de collaboration avec la nécessité de la concurrence. Il faut réconcilier les deux parties différentes de la société : la coopération, la famille, l’Église, les collectivités d’une part ; de l’autre la concurrence, le « laissez-faire », le monde économique. L’idée de fraternité pourrait aider à opérer cette réconciliation.
Les problèmes que nous traversons aujourd’hui diffèrent profondément de ceux que nos sociétés connaissaient au XVIIIe siècle. Il faut refonder notre façon de penser, non plus centrée sur l’individu et ses intérêts, mais sur les systèmes sociaux. L’encyclique pourrait largement contribuer à cette refondation : c’est le moment idéal pour aborder le thème de la fraternité.
Quels rapprochements peut-on faire entre la fraternité dans la Révolution française et celle du pape François ? N’est-ce pas la preuve que « le monde moderne est plein de vertus chrétiennes devenues folles », selon la célèbre formule de G.K. Chesterton ?
On pourrait dire, avec Jacques Maritain, que la Révolution française, avec tous ses problèmes que nous connaissons bien – son anti-christianisme, son anti-théisme –, comportait certains signes qui dérivent de l’Évangile. Le projet de la Révolution est d’abord de reconnaître la dignité des personnes humaines à travers l’égalité, la liberté, la fraternité. Ces idées ne viennent pas des cultures grecques et latines mais du christianisme.
La dignité humaine est une idée proprement chrétienne mais qui a acquis une existence autonome vis-à-vis de l’Église, ce qui est plutôt bon signe. D’un côté, il y a le risque de détourner ces idées, comme le dit la phrase de Chesterton ; de l’autre, il y a l’opportunité de les faire entrer dans le patrimoine de l’humanité. Comme le dit Jean Paul II, Jésus « révèle pleinement l’homme à lui-même » (Redemptor Hominis) : on peut donc s’attendre à ce que des idées qui viennent du christianisme parviennent à survivre en dehors de celui-ci.
On parle souvent, et le pape François le premier, de la difficile concordance entre la morale chrétienne et les marchés financiers, les modèles de consommation et de gestion. Quelle est votre opinion à ce sujet ? Que dit la doctrine sociale de l’Église sur le sujet ?
On pourrait utiliser, pour répondre à cette question, l’analogie du cancer. Le cancer croît dans le corps humain car il réussit à s’introduire dans les cellules saines et les reprogrammer dans un autre but. L’économie fait partie, fondamentalement, des cellules saines de la société et le développement économique aussi, lorsqu’il se déroule correctement. Le problème est que nous avons laissé l’économie dominer les autres sciences et secteurs de la société. La solution serait de réintégrer l’économie dans la vie sociale.
" Un des enjeux majeurs de l’Académie pontificale est de renforcer les réponses positives tout en continuant à critiquer et pointer les défauts du système actuel. La situation est dramatique mais n’est pas sans espoir. "
Force est de constater que l’économie est sujette à la morale, contrairement à la distinction que l’on a trop tendance à faire entre plan moral et plan économique. En ce sens, le Pape pointe des réalités sociales, d’autant que la partie du monde dont il vient, l’Amérique latine, est durement frappée par les désastres économiques et les inégalités sociales. Il suffit de regarder une carte du monde avec le coefficient de Gini pour s’en rendre compte. Ces situations dramatiques trouvent aujourd’hui certaines réponses. Un des enjeux majeurs de l’Académie pontificale est de renforcer les réponses positives tout en continuant à critiquer et pointer les défauts du système actuel. La situation est dramatique mais n’est pas sans espoir.
Une autre façon d’affronter ces problèmes est d’opérer un retour aux sources. Il faudrait revenir aux racines de l’économie moderne, comme Joseph Schumpeter le fait par exemple dans son histoire de l’économie, écrite il y a plus de cent ans, lorsqu’il fait remonter la naissance de la banque moderne aux banques franciscaines du Monte di Pietà – les fameux mont-de-piété.
La reprise de l’activité économique est devenue une préoccupation majeure dans la récession post-Covid. Pourquoi est-ce un moment crucial pour l’avenir de l’économie ?
Toutes les crises sont des moments difficiles mais aussi des opportunités, selon le mythe grec du Phénix qui renaît de ses cendres. Après la crise financière de 2008, la pensée économique a sensiblement changé mais la réflexion n’a pas été suffisamment large et profonde. Peut-être que la crise du coronavirus aura plus de conséquences. Il faut avant tout introduire une conception plus réaliste de l’homme dans les théories économiques, afin d’agir sur les politiques économiques, les structures, les modèles de gestion etc. jusqu’au niveau le plus concret.
La doctrine sociale de l’Église insiste sur le fait que nous ne sommes pas des individus guidés par leurs intérêts et sans aspiration spirituelle, comme le voudrait la science économique. La célèbre phrase « il n’y a pas de société, il n’y a que des individus » [ndlr. prononcée par l’ancienne Premier ministre du Royaume-Uni Margaret Thatcher] n’est pas suffisante : on ne peut résoudre les problèmes politiques et économiques avec ce type de pensée. À ceci, la doctrine sociale répond par exemple par la « destination universelle des biens » : Dieu a fait le monde pour tous les hommes. Dans le même temps, l’histoire a prouvé que si l’on supprime tout à fait le principe de « propriété privée », on s’expose à d’autres dangers et d’autres désastres économiques et politiques. C’est au Pape de rappeler cet impératif de fraternité humaine, c’est la tâche des politiques de trouver des mécanismes pour résoudre ces difficultés.
Propos recueillis à Rome par Augustin Talbourdel et Claire Guigou.
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Qu’est-ce qu’une encyclique ?
La publication d’une nouvelle encyclique est toujours saluée comme un événement d’importance. En témoigne « Fratelli tutti », qui est rendue publique ce 4 octobre . Mais sait-on vraiment ce qu’est une encyclique ?
Une encyclique est un document officiel du pape adressé à l’ensemble de l’Église qui porte sur un point spécifique de la doctrine catholique. Véritable référence, elle permet aux catholiques de mieux comprendre la vision de l’Église et les directions qu’elle propose sur un sujet interrogeant le monde.
À l’origine, il s’agissait simplement d’une lettre exclusivement adressée aux évêques, ce qui reflète son étymologie. L’Encyclopédie catholique de l’abbé Jean-Baptiste Glaire explique qu’une « encyclique (du grec, enkyklios, kyklos signifiant “cercle”) n’est rien de plus qu’une lettre circulaire ». Au fil du temps, elle est devenue un document officiel centré sur une doctrine catholique particulière et est dorénavant adressée non-seulement aux évêques mais également à tous les prêtres de l’Église.
Un moyen d’attirer l’attention des fidèles
Le pape rédige une encyclique lorsque l’Église universelle requiert des conseils par rapport à un dilemme ou un besoin particulier auquel elle fait face à ce moment-là. De par leur nature, les encycliques adressées aux évêques du monde traitent généralement de sujets qui affectent le bien-être de l’Église dans son ensemble. Elles condamnent les erreurs courantes, attirent l’attention sur les dangers qui menacent la foi ou la vertu morale, encouragent les fidèles à la constance, ou encore, prescrivent des remèdes contre les maux anticipés ou déjà présents. Une encyclique est donc un moyen pour le pape de s’adresser à toute l’Église et d’attirer son attention sur un sujet d’actualité qui a besoin d’être traité de au temps présent.
De son vivant, saint Jean Paul II a publié 14 encycliques, traitant de sujets variés tels que la valeur et l’inviolabilité de la vie humaine (Evangelium vitae), l’engagement œcuménique (Ut unum sint) et l’Eucharistie dans son rapport à l’Église (Ecclesia de Eucharistia). Une encyclique tient son nom latin des premiers mots de la lettre. Jusqu’à présent, le pape François n’a publié que deux encycliques, la première sur la lumière de la foi (Lumen fidei), et la seconde, Laudato Si’, sur l’écologie et le soin à apporter à la création. Sa troisième encyclique, Tous frères, est parue ce 4 octobre .
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Le Pape à Assise: la fraternité sur
le chemin d'une Église en sortie
Éclairage de Mgr Paolo Martinelli, ancien doyen de l'Institut franciscain de spiritualité de l'Université pontificale Antonianum, et du père jésuite Luigi Territo, spécialiste de théologie fondamentale et de théologie islamique à la faculté de théologie de l'Italie du Sud.
Antonella Palermo-Cité du Vatican
Pour souligner la portée du déplacement du Pape François à Assise, Mgr Paolo Martinelli, évêque auxiliaire de Milan et membre de la famille franciscaine revient sur le sens du lieu où saint François a donné naissance à une expérience de vie spirituelle, dont le cœur fondamental était précisément la reconnaissance d'être frères les uns des autres.
Le père jésuite Luigi Territo explique quant à lui la valeur d'une Église activement «en sortie», comme aime à le répéter le Pape : «Il semble qu'il dise au monde qu'il y a une priorité mystique et spirituelle de l'expérience de la foi sur toutes les formes institutionnelles de nos croyances. Assise représente tout cela, et pas seulement pour les chrétiens, où il y a la mémoire historique d'un Saint qui a vécu comme les petits de l'Évangile, totalement confié au Père et pour cette raison reconnu comme frère de tous».
Un Magistère imprégné de fraternité
En regardant les encycliques du Pape François, on peut facilement retrouver les graines qui ont en quelque sorte été semées pour préparer le terrain de cette encyclique Fratelli tutti. «On pense au texte d'Evangelii gaudium où il est question dans certains passages d'une mystique du vivre ensemble, de se mêler, de se rencontrer, de se prendre dans les bras, de se pencher et d'apporter une relation de fraternité à tous les gens, rappelle Mgr Martinelli. Je vois un lien profond, du moins si l'on considère le titre, avec ce texte fondamental et programmatique de son pontificat». Le prélat souligne l'idée d'être unis les uns aux autres pour la mystérieuse reconnaissance de la présence de Dieu en chacun de nous. Un mysticisme qui sait percevoir Dieu dans les relations fraternelles.
Mais dans cette nouvelle encyclique s'y retrouve aussi Christus Vivit, l'exhortation apostolique adressée aux jeunes après le synode qui leur a été consacré, la valorisation du style d'ouverture à tous, de l'attention à l'être humain concret de chacun, de la sincérité, du courage, de la confiance mutuelle : les fondements d'un puissant sentiment de fraternité. «Ici, la citation de François d'Assise est appropriée, relève Mgr Martinelli, quand il a écrit son testament, il a écrit : "Le Seigneur m'a donné des frères"».
Le père Territo partage la référence à Evangelii gaudium où le Pape parle d'une Église qui sait faire le premier pas, qui sait prendre l'initiative sans peur, qui va à la recherche du lointain, qui est à la croisée des chemins. «Ce n'est pas tant la question de la fraternité réciproque, précise le jésuite, que le concept d'une Église qui n'attend pas, qui se lance vers ses frères, qui marque un chemin. En ce sens, l'Église pour le Pape est précisément le levain de la fraternité. Je le vois aussi dans Amoris Laetitia, ou dans Laudato Si' : il y a l'idée de l'accompagnement de toute l'humanité, de l'amour conjugal, des couples blessés, de l'accompagnement des exclus, du souci des blessures de la terre. En résumé, l'idée d'une Église qui prend soin de toute l'humanité».
Qu'est-ce que la fraternité ?
Est-ce un sentiment, une valeur, une disposition d'esprit, un commandement, un mode de vie, un cadeau ? «Du point de vue chrétien, la fraternité est avant tout une responsabilité, explique encore le père Territo, au sens fort du terme. C'est réponse décisive et consciente à un mode de vie que Jésus nous a montré. Un visage de Dieu que Jésus a montré, fraternel, accueillant, ouvert, non moralisateur, et aussi, si vous voulez, une réponse à l'appel original de la Genèse : "Qu'as-tu fait de ton frère ? Ce n'est pas une coïncidence si le document d'Abou Dhabi commence également par "Au nom de Dieu...". Pas au nom de la coexistence sociale, de la paix, de la solidarité. Mais au nom de Dieu. Au sens chrétien du terme, c'est donc une réponse à un appel à la fraternité».
Mgr Martinelli reprend une des intuitions fondamentales de Laudato Si' dans laquelle il répète que tout est lié : «Du point de vue vital de la structure de l'existant, tout nous appelle à nous saisir les uns des autres en relation. L'expérience de saint François d'Assise, qui vit une profonde familiarité avec tout et tous, est emblématique. Même avec la mort de sa sœur. Au sens chrétien du terme, on reconnaît que ce que le Christ vient nous révéler est le mystère du Père, qui nous prend un par un, original, unique et irremplaçable. Cela nous permet de recommencer toujours, dans toutes les relations».
Fraternité et pseudo-communautarisme
Le chemin de la fraternité universelle n'est pas sans difficultés et risques, car l'ennemi est toujours à l'affût. Il y a des formes d'incompréhension de la fraternité qui sont de mauvaises façons de penser le communautarisme, des formes de pseudo-fraternité qui sélectionnent et distinguent l'humanité en différentes classes, qui rejettent, qui excluent au nom d'une fraternité nationale, ethnique, religieuse, souligne encore l'évêque auxiliaire de Milan. Selon lui, si la fraternité exclut, cela signifie qu'il y a déjà le germe de la maladie. «Il est donc nécessaire de s'éduquer pour reconnaître le bien de l'autre comme une richesse inépuisable», en surmontant les préjugés et les peurs.
Les chefs religieux et l'attente de l'encyclique
Les religions sont parfois manipulées. «Cette encyclique peut-elle sceller la vocation à construire une coexistence pacifique, vocation propre à chaque religion ? Je crois que le Pape suit une voie, il y a un processus continu de dialogue et de construction de ponts, comme il aime à le dire», explique le père Territo, en se référant au Document d'Abou Dhabi qui affirme qu'«il n'y a pas d'alternative dans le monde dans lequel nous vivons».
«Je crois que "Fratelli tutti" va continuer dans ce processus qui est fait, oui, d'un magistère d'écrits, mais il est aussi fait d'un magistère de gestes de fraternité. Je crois que les chefs religieux attendent cette encyclique avec curiosité, intérêt et espoir, sachant que le Pape propose un chemin commun» précise le jésuite. «Nous sommes un peu les enfants d'une époque où la relation entre la société civile et la religion a été problématique», conclu Mgr Martinelli. «Ce n'est pas que pour bien s'entendre, comme si nous devions tous mettre notre expérience religieuse entre parenthèses. Ce n'est pas possible, car c'est précisément dans la reconnaissance de l'expérience religieuse et l'estime mutuelle que nous pouvons nous enrichir».