MÉDITATION POUR LE LUNDI SAINT
par Mgr Hubert HERBRETEAU, ÉVÊQUE D'AGEN
Jésus livré pour nous
Méditation pour le Lundi Saint
Voici quelques mots pour entrer dans la prière et pour vivre pleinement la Semaine Sainte.
Voici quelques mots pour entrer dans la prière et pour vivre pleinement la Semaine Sainte.
Sans la Croix, l’événement de la Résurrection de Jésus est inconcevable. On peut dire que sans la Croix la Résurrection est vide. De même, sans la Résurrection la croix est privée de futur et d’espérance. Essayons de nous redire cela en commençant ce temps fort de la Semaine Sainte. Il s’agit de concevoir le Mystère pascal dans sa plénitude et dans son actualité permanente.
Plénitude. Le Mystère pascal comporte des éléments indissociables : Passion, mort, Résurrection, Ascension, Pentecôte. Dans le Christ passant à son Père et nous envoyant son Esprit, notre espérance est d’avance accomplie.
Actualité. Si tout est accompli dans le Christ, tout reste à faire en chacun de nous et dans toute l’humanité qui fait pèlerinage. Les temps difficiles de l’épidémie que nous traversons où règnent la maladie et la mort, nous le rappellent : notre espérance est-elle tournée vers l’avenir, activement tournée vers un avenir à construire ? Cette épidémie est en quelque sorte un dévoilement, une apocalypse. Et nous rêvons d’« un ciel nouveau et d’une terre nouvelle ». Dès aujourd’hui, il faut continuer à aimer la vie, toute la vie. À l’issue de cette crise sanitaire, il nous faudra revoir nos modes de vies, de relation, et entendre à nouveau la parole du Deutéronome : « Devant toi sont la vie et la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie » (Dt 30, 19).
Je vous propose en ce Lundi Saint de méditer sur le verbe livrer si présent dans le Nouveau Testament.
• Jésus est livré aux adversaires : « Alors Judas Iscariote, l’un des Douze s’en alla auprès des grands prêtres pour le leur livrer » (Mt 14, 10). La trahison de l’amour livre Jésus. Le Sanhédrin, gardien et représentant de la loi livre le blasphémateur au représentant de César : « Et aussitôt, le matin, les grands prêtres préparèrent un conseil avec les anciens, les scribes et tout le Sanhédrin. Puis après l’avoir ligoté Jésus, ils l’emmenèrent et le livrèrent à Pilate » (Mc 15, 1).
Pilate lui-même cède à la pression de la foule, excitée par ses chefs : « Après avoir fait flageller Jésus, il le leur livra pour être crucifié » (Mc 15, 15). Jésus est conduit à la mort, livré en raison de l’incompréhension, de la lâcheté, de la méchanceté et de la trahison des hommes.
Jésus est livré injustement comme un malfaiteur. Comme une marchandise.
• Jésus lui-même se livre. Si tout s’arrêtait là, la mort de Jésus serait l’une des nombreuses morts injustes de l’histoire, où un innocent tombe à cause de l’injustice du monde.
Mais tout ne s’arrête pas là. La communauté chrétienne naissante, à la lumière de l’expérience pascale, sait qu’il n’en va pas ainsi pour Jésus. Jésus est livré, mais Jésus se livre à son Père par amour pour nous. Cette « livraison » a toute la densité d’une offrande douloureuse.
Saint Paul l’exprime : « Cette vie dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi » (Ga 2, 20). « Suivez la voie de l’amour, à l’exemple du Christ qui vous a aimés et s’est livré pour vous, s’offrant à Dieu en sacrifice d’agréable odeur » (Ep 5, 2).
On peut faire le lien avec une des dernières paroles de Jésus : « Père en tes mains, je remets mon esprit » (Lc 23, 46) « Et inclinant la tête il livra l’esprit » (Jn 19, 30).
Par cette « livraison », le crucifié prend sur lui le poids de la douleur et du péché passé, présent et futur du monde.
Nous pouvons prier avec la strophe n°2 du chant Ne descends pas dans le jardin : C’est la supplication de Pierre adressée à Jésus (Mt 16, 21-22). « Ne laisse pas lier tes mains, Oh ! Jésus / Ne laisse pas lier tes mains sans dire un mot ! » Et le Christ répond : « Si je ne laisse pas lier mes mains comme un voleur / Qui donc pourra détruire les prisons dont vous souffrez ? / Je laisserai lier mes mains comme un voleur. »
• Le Père livre le Fils
C’est la troisième manière de réfléchir au mot « livrer ». Mot qui est repris dans les prières eucharistiques : « La nuit qu’il fut livré » (P.E III). Comprenons bien cette expression ! Ne voyons pas là l’image d’un Père sadique qui envoie son Fils à la mort, mais plutôt l’amour infini, inouï de Dieu. Saint Paul l’exprime bien dans la lettre aux Romains : « Lui qui n’a pas épargné son propre Fils mais qui l’a livré pour nous tous, comment ne nous accordera-t-il pas toute sa faveur ? » (Rm 8, 32).
Le propre du Père dans le mystère pascal n’est pas de vouloir la mort de Jésus, c’est de lui rendre la vie en le ressuscitant. C’est dans cette « livraison » que le Père fait de son propre Fils que se révèle la profondeur de son amour pour les hommes.
La croix révèle que Dieu est amour. La souffrance du Père n’est que l’autre nom de son amour infini. Elle correspond à celle du Fils crucifié.
Quelques pistes pour la prière
• Après le grand discours de Pierre qui rappelle la mort et la résurrection de Jésus, les auditeurs « eurent le cœur transpercé » (Ac 2, 37). Pour nous aider à méditer le récit de la Passion et de la résurrection de Jésus, voici un texte d’un théologien : « Auditeurs et lecteurs modernes du récit, aurons-nous à notre tour “le cœur transpercé” ? (…) Qui pourrait ne être pas touché ? Cette victoire de l’amour sur la violence et la haine est un témoignage rendu à la justice et à la vérité. En termes modernes familiers, avoir le “cœur transpercé”, c’est “craquer”. Craquer, c’est accepter une brisure en nous-mêmes et renoncer à toutes nos défenses, nos résistances et nos blindages. Craquer reprend le sens du vieux mot de contrition qui exprime l’état de celui qui est brisé et broyé. » (Bernard Sesboüé, Croire, Droguet et Ardant, (p. 285).
• Nous pouvons regarder une représentation du « Christ aux liens ». Que pouvons-nous faire aujourd’hui pour libérer le Christ de ces liens ? Que pouvons-nous faire pour travailler à ce que tout être humain soit respecté dans sa dignité ?
+ Hubert Herbreteau
Évêque d’Agen
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Le SERVICE DIOCÉSAIN DU CATÉCHUMÉNAT propose pour ce LUNDI SAINT un CHEMIN SPIRITUEL avec SAINT JEAN-PAUL II (1920 - 2005)
Vous trouverez en cliquant sur le lien ci-dessous un temps de prière pour cette journée et un temps de prière avant le repos de la nuit.
Cliquer sur le lien ci-dessous
(Cliquer sur le lien ci-dessus)
R. Je vous aime, ô mon Dieu
Et mon seul désir est de vous aimer,
De vous aimer jusqu’au dernier soupir de ma vie,
Jusqu’au dernier soupir de ma vie.
1. Ô Dieu Saint, Tu as fait de mon cœur
Le Ciel de ta demeure, un temple sacré !
Père, Fils et Saint-Esprit,
Ton amour est pour moi le plus grand des trésors !
2. Nous portons le nom de « fils de Dieu »
Car nous avons un Père qui veille sur nous
Montrons-nous dignes de Lui,
Il a livré son Fils, offrons-Lui notre amour !
3. Jésus Christ, notre Dieu et Seigneur,
Tu nous conduis au Père, Tu es le Chemin !
Ton sang versé sur la Croix
Nous a rendu la vie, nous a ouvert le Ciel !
4. Ô mon Dieu, ton amour est si bon,
Lui qui remplit notre âme, notre seule joie !
Quel bonheur que de t’aimer,
Nous sommes si petits, et Tu nous vois si grands !
Paroles et musique : A. Dumont /© 2008, Sanctuaires d'Ars
« Il ne criera pas, il ne fera pas entendre sa voix au-dehors »
Lecture du prophète Isaïe (Is 42, 1-7)
Ainsi parle le Seigneur :
« Voici mon serviteur que je soutiens,
mon élu qui a toute ma faveur.
J’ai fait reposer sur lui mon esprit ;
aux nations, il proclamera le droit.
Il ne criera pas, il ne haussera pas le ton,
il ne fera pas entendre sa voix au-dehors.
Il ne brisera pas le roseau qui fléchit,
il n’éteindra pas la mèche qui faiblit,
il proclamera le droit en vérité.
Il ne faiblira pas, il ne fléchira pas,
jusqu’à ce qu’il établisse le droit sur la terre,
et que les îles lointaines
aspirent à recevoir ses lois. »
Ainsi parle Dieu, le Seigneur,
qui crée les cieux et les déploie,
qui affermit la terre et ce qu’elle produit ;
il donne le souffle au peuple qui l’habite,
et l’esprit à ceux qui la parcourent :
« Moi, le Seigneur, je t’ai appelé selon la justice ;
je te saisis par la main, je te façonne,
je fais de toi l’alliance du peuple,
la lumière des nations :
tu ouvriras les yeux des aveugles,
tu feras sortir les captifs de leur prison,
et, de leur cachot, ceux qui habitent les ténèbres. »
Le Seigneur est ma lumière et mon salut.
Le Seigneur est ma lumière et mon salut ;
de qui aurais-je crainte ?
Le Seigneur est le rempart de ma vie ;
devant qui tremblerais-je ?
Si des méchants s’avancent contre moi
pour me déchirer,
ce sont eux, mes ennemis, mes adversaires,
qui perdent pied et succombent.
Qu’une armée se déploie devant moi,
mon cœur est sans crainte ;
que la bataille s’engage contre moi,
je garde confiance.
J’en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur
sur la terre des vivants.
« Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ;
espère le Seigneur. »
« Laisse-la observer cet usage en vue du jour de mon ensevelissement ! »
Louange à toi, Seigneur, Roi d’éternelle gloire ! Salut, ô Christ, notre Roi : toi seul as pris en pitié nos égarements. Louange à toi, Seigneur, Roi d’éternelle gloire !
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 12, 1-11)
Six jours avant la Pâque,
Jésus vint à Béthanie où habitait Lazare,
qu’il avait réveillé d’entre les morts.
On donna un repas en l’honneur de Jésus.
Marthe faisait le service,
Lazare était parmi les convives avec Jésus.
Or, Marie avait pris une livre d’un parfum très pur
et de très grande valeur ;
elle répandit le parfum sur les pieds de Jésus,
qu’elle essuya avec ses cheveux ;
la maison fut remplie de l’odeur du parfum.
Judas Iscariote, l’un de ses disciples,
celui qui allait le livrer,
dit alors :
« Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum
pour trois cents pièces d’argent,
que l’on aurait données à des pauvres ? »
Il parla ainsi, non par souci des pauvres,
mais parce que c’était un voleur :
comme il tenait la bourse commune,
il prenait ce que l’on y mettait.
Jésus lui dit :
« Laisse-la observer cet usage
en vue du jour de mon ensevelissement !
Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous,
mais moi, vous ne m’aurez pas toujours. »
Or, une grande foule de Juifs apprit que Jésus était là,
et ils arrivèrent, non seulement à cause de Jésus,
mais aussi pour voir ce Lazare
qu’il avait réveillé d’entre les morts.
Les grands prêtres décidèrent alors
de tuer aussi Lazare,
parce que beaucoup de Juifs, à cause de lui,
s’en allaient, et croyaient en Jésus.
Découvrir Dieu
I - Le geste de Marie est certainement admirable mais il est d’abord étonnant : pourquoi une telle dépense ? Quel sens à ce geste qui est à la limite de la décence ? Pourquoi Marie elle-même ne parle-t-elle pas ? Nous le savons, dans notre vie, il y a des moments où nos mots ne suffisent plus à exprimer ce que nous ressentons ; c’est probablement ce qui arrive ici à Marie, qui manifeste, dans ce geste inattendu, sa gratitude à Jésus pour la résurrection de son frère. Marie certainement aussi a senti le drame qui se joue dans le cœur de son ami, Jésus, prêt à donner sa vie par amour pour les hommes. Marie a ainsi su exprimer à Jésus ses sentiments et ses inquiétudes de la plus belle des manières, dans ce geste bien plus puissant que tous les discours qui auraient pu être formulés. Depuis trois semaines, pour beaucoup d’entre nous, nous vivons un temps d’épreuve où les tensions peuvent aussi monter et c’est sans doute normal. De quelle manière exprimons-nous ce que porte notre cœur à Jésus ? Dans ma prière mais aussi dans des petits actes concrets, je peux lui exprimer mon amour et unir aujourd’hui mon épreuve à la sienne.
Évangile commenté par le Père Alain de Boudemange
II - Depuis mes 2 années passées à Jérusalem, je garde un grand souvenir de ce lieu béni de Béthanie. C’est le lieu de l’amitié avec Jésus, le lieu où Il vient se ressourcer auprès de ses intimes: Lazare, Marthe et Marie. C’est sans doute en ce lieu qu’il a dormi durant toute la Semaine Sainte. Et voilà que 6 jours avant la Pâques, c’est-à-dire aujourd’hui, Marie fait ce geste inédit, décalé, disproportionné, de répandre du parfum sur les pieds de Jésus. Geste qui lui attirera des reproches. Il y a maintenant 13 ans, méditant cet évangile et me demandant ce que je pouvais faire comme geste »différent » pour Jésus, j’ai décidé, depuis ce jour, de porter une croix visible autour du cou.
Chers frères et sœurs, nous sommes entrés depuis hier dans la grande Semaine Sainte. Jésus désire notre amitié, je dirais même qu’Il en a besoin. Quel geste d’amitié, d’attachement à Lui, peut-être décalé, peut-être inédit, poserons-nous aujourd’hui par amour pour Lui?
Bonne Semaine Sainte à tous ! Nous prions bien pour vous.
Évangile commenté par Père Bertrand