INTERVIEW DU PÈRE PHILIPPE d'HALLUIN : TÉMOIGNAGE SUR LE CONFINEMENT
Comment se passe pour vous le confinement ?
Merci, ça ne se passe pas mal. A vrai dire, je pensais avoir beaucoup de temps pour moi, pour faire du tri et mettre de l’ordre dans mes affaires, pour lire, me reposer un peu… A vrai dire (comme les retraités ?) je n’ai pas de temps en trop. Je passe beaucoup plus de temps en prière, méditation et célébrations, ainsi qu’à répondre au téléphone et aux multiples courriels, mais aussi avec les migrants que j’accueille chez moi ! Je réponds également aux demandes de visites à l’hôpital. Et puis du sport, j’en ai trop besoin.
Dans quelles conditions se déroulent actuellement les funérailles?
Toute personne humaine reste mon frère et l’image même de Dieu. C’est vital pour moi de les accompagner jusqu’au bout. Je continue à célébrer dans les églises, en limitant à une dizaine de personnes et en respectant « la distanciation sociale ». Les familles sont très reconnaissantes qu’on les accueille ainsi, dans leur détresse.
Depuis le confinement, chaque lundi soir, je sonne longuement le glas pour tous les défunts et ceux qui n’ont pas eu droit aux obsèques, puis depuis Pâques, je poursuis avec les cloches à la volée, avant de célébrer la messe du soir.
Qu'est-ce qui est le plus difficile à vivre ?
Le plus difficile, c’est de ne pouvoir rendre visite librement aux malades et à la communauté et de célébrer seul, surtout pour Pâques !
Qu'est-ce qui vous a aidé concrètement ?
De rester en contact par téléphone, mails, WhatsApp ou Messenger, facebook… et pour célébrer chaque jour dans l’église, en regardant les bancs vides, j’y vois, dans la communion des saints, toute la communauté et les malades et les personnes engagées dans la lutte contre cette pandémie (mes collègues de l’hôpital, mes camarades pompiers, les petits métiers, les élus…).
Sur quelle Parole de Dieu (ou citation) vous appuyez- vous en ces temps ?
Quelle consolation donner ?
« Lui qui était de condition divine, ne retint pas le rang qui l’égalait à Dieu, il s’est anéanti… prenant la condition d’esclave… il est mort sur la croix, mis au tombeau… voilà pourquoi Dieu l’a exalté… » (Ph 2, 1-11)
« Dieu nous a tant aimés qu’il nous a donné son Fils Unique… qui est venu non pas pour nous juger, mais pour nous sauver » (Jn 3, 16-17)
« J’étais malade, tu m’as visité… » (Mat 25, 31-46)
Comment expérimentez-vous les différents visages de la pauvreté à travers votre mission et comment Dieu vous rejoint ?
Les visages de la pauvreté, ils ne manquent pas !
- Ces personnes âgées qui finissent leur vie, seules, sans visite…
- Ces jeunes qui meurent à l’hôpital, désemparés, à la recherche d’un sens à leur vie.
- Ces jeunes Migrants Mineurs Non Accompagnés, ou ces familles avec de jeunes enfants, laissés à la rue, non accueillis, non écoutés…
Au Mali, quand je suis arrivé, j’étais paumé seul Européen et chrétien à 250 km à la ronde, j’étais mourant. J’ai été accueilli, soigné, nourri, adopté dans une famille, éduqué à la langue et aux coutumes locales, partageant les travaux agricoles. J’ai rencontré le Christ dans ce pays qui n’avait jamais entendu parler de lui. C’est là que j’ai rencontré Charles de Foucauld et qu’est née ma vocation sacerdotale. Mais, j’ai souvent honte d’être français et catholique !
En conclusion: quel message d'espérance, encouragement ou interpellation aimeriez-vous donner aux personnes qui vivent le confinement / la peur ?
Le Christ ressuscité est apparu aux disciples confinés au cénacle, le jour de Pâques et le dimanche suivant. L’Esprit Saint a été répandu aux disciples confinés, de nouveau. Vivons ce temps de retraite qui nous met à l’épreuve, comme un temps de ressourcement et de renaissance. Les épreuves font naître de belles initiatives de fraternité, de solidarité, de générosité, de spiritualité. Soyons persévérants et poursuivons cette vie nouvelle qui jaillit. L’Esprit Saint ne nous rejoint-il pas en ce temps de confinement ?