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8 septembre 2014 1 08 /09 /septembre /2014 10:48

Vivante Église en Lot et Garonne


Écouter ce que l’Esprit dit à notre Église

Neuvième lettre pastorale, septembre 2014


Chers diocésains,
Nous voici arrivés au terme de la mise en oeuvre des quatre orientations pastorales promulguées en novembre 2009. Le moment est venu d’en faire une évaluation mais aussi de penser à de nouvelles perspectives afin que notre diocèse garde son élan missionnaire.
Avec ces orientations, nous avons en même temps mené une autre action importante : les visites pastorales dans les 26 paroisses. Nous ne cesserons pas de dire les fruits de ces visites : meilleure connaissance des uns et des autres ; prise en compte de la réalité sociale, économique, culturelle et politique de notre département ; valorisation du patrimoine et attention à la vie de chaque localité… Tout cela s’est vécu dans la foi au Christ et dans un climat de confiance, de prière et de fête.
Qu’allons-nous faire à présent ? Sans doute d’autres orientations seraient nécessaires. Mais les quatre que nous venons de suivre peuvent être davantage approfondies. Les projets pastoraux n’ont pas tous été menés à terme. Le plus urgent pour notre Église diocésaine est peut-être de se mettre à l’écoute de ce que lui dit l’Esprit. C’est de cela que je voudrais vous entretenir.


Des communautés chrétiennes se construisent

Comment construire des communautés chrétiennes vivantes, pleines d'espérance, fraternelles ?
Comment construire une Église diocésaine confiante dans l'avenir, réaliste, audacieuse dans l'évangélisation ?
Il faut apporter immédiatement une nuance entre « comment construire une communauté chrétienne » et « comment se construit une communauté chrétienne ». La première formulation peut donner l'impression que nous suivons un plan bien établi, avec des orientations pastorales bien claires, des projets et des structures bien définies. La seconde laisse apparaître que tout n'est pas donné d'entrée de jeu, mais qu'il faut tenir compte d'éléments que nous n'avons pas prévus, qui nous échappent et nous dépassent.
Il est bon d'avoir des orientations mais en sachant que de multiples facteurs peuvent intervenir pour nous obliger à modifier nos pratiques.
La réalité ne correspond pas toujours à nos plans préétablis. Interviennent aussi notre fidélité à l'écoute de la Parole de Dieu et les initiatives suscitées par l’Esprit au coeur de nos communautés. Enfin surgissent des événements imprévus, la maladie par exemple.
De plus, en rigueur de terme, l’Église n’est pas à construire car elle est déjà là. Elle a traversé des siècles d’histoire. Et nous sommes aujourd’hui héritiers de tout un passé. L’expression « se construire » est donc préférable parce qu’elle suppose recherche, tâtonnements et créativité.
Nous avons des orientations mais en même temps le monde change (Cf : l’orientation « À l’Écoute du monde » - année 2011). Il nous faut les concrétiser aujourd'hui.
Pour reprendre un refrain bien connu de l'Apocalypse (chapitres 2 et 3) : il s'agit d'écouter, ce que l'Esprit dit à notre Église. Comme pour les villes d'Asie Mineure (Éphèse, Sardes, Laodicée, Philadelphie…), le Christ invite à regarder la conduite de notre Église qui est en Lot et Garonne.
Peut-être avons-nous besoin, comme à Ephèse, de « revenir à l'amour des premiers temps », c'est-à-dire à la source de notre baptême.
Peut-être manque-t-il l’esprit de service, la diaconie, comme à Thyatire ?
Peut-être sommes-nous tièdes et endormis ou dans une certaine torpeur, comme à Laodicée ?
Peut-être faudrait-il insister davantage sur une connaissance plus approfondie des aspects fondamentaux de la foi comme à Pergame ?
Église qui est en Lot et Garonne, quelle est ta conduite ? Écoute ce que l'Esprit te suggère !
Que les EAP, les conseils pastoraux et économiques, les mouvements et les services se mettent sans tarder à l’écoute de ce que dit l’Esprit !


Un discernement évangélique

Cette écoute suppose un approfondissement spirituel dans nos communautés chrétiennes. Au n° 50 de La joie de l’Évangile, le pape François nous invite en effet à un « discernement évangélique ». De quoi s’agit-il ? Comment comprendre cette invitation dans la situation actuelle que nous vivons ?


Notre Église est confrontée à plusieurs problèmes :
• La sécularisation. Dieu ne fait plus partie du paysage. Certes, on continue à parler des valeurs de justice, de fraternité, de paix, mais on le fait sans référence à une transcendance.
• Et pourtant les attentes spirituelles sont nombreuses et diverses. Elles apparaissent en particulier lorsque se posent les grandes questions de l’existence : la vie, l’amour, la recherche du bonheur, l’énigme du mal, la mort… Le besoin de marquer les grandes étapes de la vie par des rites s’exprime fortement.
• La notion d’espace, à l’ère de la mondialisation et des outils informatiques, s’est élargie.
Notre cartographie (avec des territoires, des paroisses) est modifiée par l’insertion dans des réseaux. De plus, la désertification du monde rural s’est amplifiée. La pastorale peut-elle continuer à quadriller le terrain ?
• La notion de temps change également. Nous vivons souvent dans l’urgence, jusqu’à l’épuisement et le burn out parfois. On ne sait plus cueillir les fruits du temps présent.


Développer une posture spirituelle
Tous ces constats sont bien connus et ont été maintes fois analysés par sociologues, philosophes et théologiens. Nous en débattons souvent avec nos conseils pastoraux. Et en parler indéfiniment ne fait souvent qu’accroître notre angoisse face à l’avenir. Il y a même quelque chose de l’acédie (dont parle le pape François dans La joie de l’Évangile) qui nous menace. L’acédie est une forme d’essoufflement, de lassitude, voire de désespérance dans la vie spirituelle.
Nous pourrions peut-être alors développer davantage une posture spirituelle face à ce monde nouveau en train de naître. En nous posant trois types de questions :
- Comment retrouver la confiance, l’espérance face à l’avenir ? Comment retrouver la joie de l’Évangile ? Au lieu de nous lamenter sur le manque de prêtres ou de pratiquants réguliers, il serait sans doute plus profitable de travailler concrètement à l’émergence de communautés chrétiennes vivantes et fraternelles. En acceptant nos pauvretés, comme occasion de renouvellement et d’approfondissement de notre vie dans le Christ.
- Quels sont les dynamismes humains que nous découvrons ? Comment une pastorale peut elle s’appuyer sur eux ? Comment susciter la créativité ? Par exemple, devant la modification des rythmes scolaires, une paroisse a le projet de mettre en place un patronage où l’on joue et où l’on prie. La catéchèse pourrait trouver sa place au milieu des activités du patronage.
- Comment rester un peu rebelles, à contre-courant, résistants, face à des évolutions sociales qui portent atteinte à la dignité de l’homme ? Il n’est pas question d’entrer dans un rapport de force avec ceux qui n’ont pas la même conception de l’homme que nous, mais « il nous faut rendre compte de l’espérance qui est en nous avec douceur et respect » (1P 3, 15). Douceur et respect sont deux attitudes à vivre concrètement.


Quelques propositions
• Bref, ce dont nous avons besoin, c’est du développement d’une démarche spirituelle. Il n’est pas question pour autant de « spiritualiser » nos problèmes en pensant qu’il suffit de prier pour que tout soit résolu. La démarche spirituelle doit donc déboucher sur des mesures concrètes, dans « le vrai de la vie » comme disait Thérèse de Lisieux. C’est une démarche qui doit transformer notre vie.
• Il nous faut pour cela, au sujet des questions qui nous préoccupent (sécularisation, modification du temps et de l’espace, etc.), mutualiser davantage nos ressources humaines, intellectuelles, financières. D’une paroisse à l’autre ou trois paroisses ensemble.
De plus, les « ponts » entre mouvements et services ecclésiaux sont à intensifier.
• Le discernement évangélique, pastoral suppose que nous sachions discerner « les signes des temps » comme le disait le Concile. Ne faudrait-il pas proposer une méthode pour apprendre à lire les événements, une fiche de relecture?


Des assemblées de la Parole
Parmi les propositions concrètes, il y en a une que j’avais évoquée l’an dernier et qui me semble en effet prioritaire : le ressourcement biblique. Plusieurs paroisses m’ont présenté des déroulements de célébration autour de la Parole de Dieu, en l’absence du curé. Je vous encourage à développer résolument ce genre de rencontre.
Nous sommes d’ailleurs dans un cas de figure prévu par la Constitution du concile Vatican II Sacrosanctum Concilium : « On favorisera la célébration sacrée de la Parole de Dieu aux veilles des fêtes solennelles, à certaines féries de l’Avent et du Carême, ainsi que les dimanches et jours de fête, surtout dans les localités privées de prêtres : en ce cas, un diacre, ou quelqu’un d’autre délégué par l’évêque, dirigera la célébration » (n° 4).
Plusieurs questions se posent et demandent un discernement pastoral :
• Dans la suite de Vatican II, il importe de ne pas séparer liturgie de la Parole de Dieu et Eucharistie. Comment respecter le caractère indissociable des deux « tables » (l’autel et l’ambon), devenues visibles dans les choeurs de nos églises ? Je ne souhaite pas que se développe la distribution de la communion lors des assemblées de la Parole en l’absence du prêtre. Le tabernacle risquerait de prendre plus d’importance que l’autel qui occupe dans l’église
l’endroit le plus sacré.

• Un autre point incontournable est l’indispensable complémentarité du sacerdoce commun (des fidèles) et du sacerdoce ministériel. Relire pour cela Lumen Gentium. Il n’est pas possible de penser que l’on pourrait se passer des prêtres. Ce que pourrait signifier aussi une distribution de la communion en l’absence du prêtre.
• La diminution du nombre de lieux de célébration transforme profondément nos communautés chrétiennes. En conséquence, il importe de croire que la Parole et l’Eucharistie sont une nécessité pour grandir dans la foi. N’hésitez donc pas à vous déplacer, parfois à 20 km. Parole et Eucharistie sont des cadeaux si grands que cela mérite bien autant d’efforts qu’un complexe de cinéma ou une brocante à l’autre extrémité du département.
• C’est un fait, le goût pour la Parole de Dieu est en progression. La vitalité de nos paroisses dépend de cette source, de la réponse libre de nos personnes et de nos communautés à cette Parole entendue. Dans ce monde qui a si soif de sens, prendrons-nous la Parole au sérieux jusqu’à changer nos habitudes ?


Oui, n’hésitons pas à vivre des moments de partage à partir de textes de la Bible ! Soyons audacieux pour imaginer des assemblées de la Parole, avec cinq, dix ou trente personnes ! Si nous voulons entendre ce que l’Esprit dit à notre Église, il n’y a pas d’autre manière de faire. La Parole de Dieu doit être au coeur de toutes nos rencontres. Alors nous vivrons vraiment la compassion exigeante pour les pauvres, une authentique prière d’action de grâce, une charité brûlante entre nous, un accueil chaleureux de ceux qui nous sont différents, et un engagement dans la société.
Bonne année pastorale à tous !

Agen, septembre 2014

Hubert Herbreteau, votre évêque

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